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Pourquoi le cancer du cœur n’existe-t-il pas ?

Claire Boissonneault

Les cancers du cœur existent, mais sont très rares. C’est parce que les cellules du cœur se reproduisent moins que celles d’autres parties du corps humain.

« Les cancers surviennent dans les cellules capables de grandir et de se diviser de façon régulière », explique Nathaniel Bouganim, oncologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). « La peau, les muqueuses, les poumons, le sang, par exemple. Mais le cœur, une fois formé, n’a presque pas de division cellulaire. Ça donne moins de chances aux mutations et aberrations, qui surviennent durant les divisions cellulaires. »

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Nathaniel Bouganim

L’une des tumeurs les plus fréquentes du cœur – même si elle est très rare – est le rhabdomyosarcome. « C’est un cancer du muscle qui peut survenir n’importe où dans le corps, y compris le cœur, dit le DBouganim. C’est souvent causé par de la radiothérapie près du cœur. Ou alors par une mutation présente dès la naissance, qui est activée avec le temps. »

Un autre cancer, le léiomyosarcome, peut frapper l’enveloppe du cœur, mais est encore plus rare. Et il peut arriver que des métastases de cancers d’autres organes contaminent le cœur.

Difficile à traiter

Les cancers du cœur sont très difficiles à traiter, dit le DBouganim.

Ce sont surtout des sarcomes, qui sont des types de cancer pour lesquels il existe peu de médicaments. Il faut faire de la radiothérapie ou de la chirurgie. Dans le cœur, évidemment, la chirurgie est plus risquée.

Nathaniel Bouganim

Un collègue du DBouganim au CUSM, Ramy Saleh, est l’un des deux spécialistes québécois du sarcome. « Je vois environ un ou deux cas de sarcome du cœur par année », dit le DSaleh.

Il travaille à mettre sur pied un réseau de références québécois pour les sarcomes, afin de mieux les traiter. Ce réseau regroupe jusqu’à maintenant 12 hôpitaux. « On pourra aussi plus facilement faire des études cliniques, dit le DSaleh. Depuis deux ou trois ans, on a vu des études cliniques aux États-Unis pour cinq nouveaux médicaments pour des sarcomes. Malheureusement, ce n’est pas pour le sarcome du cœur, et les médicaments pour un sarcome ne fonctionnent pas nécessairement pour un autre sarcome. »

Les sarcomes – il y en a une centaine – sont en quelque sorte l’équivalent oncologique des « maladies orphelines », très rares, selon le DSaleh.

Comment définit-on les sarcomes ? « Ils ont en commun d’être résistants à la chimiothérapie, parce qu’ils frappent des tissus où il n’y a pas beaucoup de vaisseaux sanguins qui peuvent y amener les médicaments de chimiothérapie, explique le DSaleh. Les sarcomes ont aussi moins de mutations, ce qui diminue le nombre de cibles pour la chimiothérapie. Ils sont aussi très agressifs. » Une étude sur 40 ans a montré que la proportion des patients encore en vie cinq ans après le diagnostic de sarcome cardiaque est de 11 %. Ce taux de survie après cinq ans est de 89 % pour le cancer du sein et de 22 % pour le cancer du poumon, selon la Société canadienne du cancer.

N’y a-t-il pas beaucoup de vaisseaux sanguins dans le cœur ? « Oui, mais il est très délicat d’opérer dans le cœur, dit le DSaleh. Et il n’y a pas beaucoup de molécules disponibles pour la chimiothérapie. »

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